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Droit des marques : dépôt frauduleux et caractère déceptif

Affaires - Droit économique
20/01/2017
D'une part, un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité ; d'autre part, une marque peut être déceptive lorsqu'elle est susceptible de tromper le consommateur sur la relation entre le signe qu'elle utilise et une oeuvre relevant de la protection par le droit d'auteur ou un droit dérivé. Tels sont les enseignements d'un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 janvier 2017.
En l'espèce, un disque comprenant deux chansons, dont l'une met en scène un personnage dénommé "Bébé Lilly", a été commercialisé par une société qui a déposé, dans plusieurs classes, la marque française verbale et la marque internationale "Bébé Lilly". L'auteur des paroles de ces deux chansons a alors assigné cette société pour dépôt frauduleux et trompeur.

Tout d'abord, pour rejeter la demande en revendication de l'auteur, l'arrêt d'appel retient qu'il ne justifie pas de droits d'auteur sur la dénomination "Bébé Lilly" et qu'il ne démontre pas en quoi la société aurait manqué à ses obligations contractuelles de loyauté en déposant une marque portant sur un signe sur lequel il ne justifie pas avoir de droits, les relations d'affaires, qui avaient existé entre eux, n'ayant créé aucune interdiction en ce sens. La Cour de cassation censure sur ce point l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle et du principe fraus omnia corrumpit. Énonçant, à ce titre, qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité, elle retient qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en procédant à ces dépôts, la déposante n'avait pas cherché à s'approprier la dénomination du personnage "Bébé Lilly", privant ainsi l'auteur de toute possibilité d'exploiter ce dernier dans l'exercice de son activité et de développer des oeuvres le mettant en scène, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Par ailleurs, pour rejeter la demande fondée sur le caractère déceptif des marques, la cour d'appel, après avoir énoncé que, selon l'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service, retient que la tromperie sur l'origine et la paternité des oeuvres et des enregistrements n'est pas visée par cet article. La Cour de cassation censure là aussi l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 711-3 : en statuant ainsi, alors qu'une marque peut être déceptive lorsqu'elle est susceptible de tromper le consommateur sur la relation entre le signe qu'elle utilise et une oeuvre relevant de la protection par le droit d'auteur ou un droit dérivé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit